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je me dis : « Idiot ! » Je commentai : « Il faut penser à l’instant présent. »

— Tais-toi d’abord ! me cria Totochabo contre qui je venais de buter étourdiment.

Il me semblait bien que je n’avais rien dit. Mais cela venait si à propos que je ne savais plus comment me supporter. Mes mains ne savaient où se fourrer, elles tiraient sur mes bras, qui tiraient sur mes épaules, qui tiraient sur les muscles du cou, qui tiraient sur la mâchoire inférieure qui tombait dans l’expression de la déconfiture. Je sentais tout à coup que mes pieds reposaient sur la tranche, les orteils crispés en dedans, comme ceux des gibbons. J’étais désarçonné de mon corps et, aplati dans la poussière, je regardais d’en bas ma pauvre monture qui ne savait comment se tenir. Le vieux rigolait. Je l’aurais bien giflé. Mais c’est moi qui aurais reçu mes propres gifles.