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Il me dit : « Tu as eu la grande catacouiche, hein ? Alors viens voir. » Il me mène au pigeonnier, me fait regarder par un trou de la paroi. Je mets un œil. Je vois un spectacle terrifiant : un énorme tire-bouchon, c’était le monde, tournait en se vissant sur place dans sa propre spirale, comme l’enseigne des coiffeurs américains, et je me voyais pas plus grand qu’un pou mais moins adhérent…

Les yeux exorbités, les bosses du front allumées, la moustache hérissée, le petit Sidonius reprenait le même récit, qui s’enchaînait sans fin sur lui-même comme les rengaines célèbres que l’on connaît. Il parlait fébrilement, hachant ses mots. J’écoutai, pétrifié d’horreur, au moins dix fois la rotation du récit effarant. Puis j’allai boire.