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d’après un mot du pays, axolotl. On n’était pas trop sûr de la place à lui attribuer dans les compartiments zoologiques jusqu’au jour où, ayant injecté à des axolotls des extraits de glande thyroïde, on les vit se transformer en un nouvel animal, qui, sans l’intervention de la curiosité touche-à-tout de l’homme, dite science naturelle, n’aurait peut-être nulle part existé dans notre ère quaternaire à l’état adulte.

« La différence entre l’axolotl et l’homme, c’est que, chez ce dernier, une intervention extérieure ne suffirait pas, tout nécessaire qu’elle dût être, pour déclencher sa métamorphose. Il faudrait encore, et essentiellement, qu’il renonçât à son enchenillement et voulût lui-même sa maturation. Nous passerions alors par une transformation bien plus profonde que celle de l’axolotl ; seul le changement de la figure corporelle serait moins sensible, aux yeux du moins de notre observateur atteint de myopie psychique, tandis que les formes de nos sociétés en seraient complètement refondues.

« Quant à l’enseignement, s’il n’est pas capable de provoquer ni de guider cette transformation, il reste une instruction de larve à larve. Il est fort possible, d’ailleurs, que les vieilles larves axolotls apprennent aux larves nouveau-nées à nager et à chercher leur nourriture.

« Autre remarque : si, comme vous avez dit justement, nous voyons ou plutôt imaginons tout à l’envers, peut-être conviendrait-il alors d’aller se pendre, mais alors, par les pieds ? »