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(qui fut jadis une science sacrée), à la deuxième personne. « Moi », c’est la première personne et l’article « la » indique la troisième : image de la trinité. Remarquez d’ailleurs que « fichez », deuxième personne, a deux syllabes et que le Maître commence par la deuxième personne et non par la première, pour signifier que notre point de départ, à nous humains, est dans la dualité et dans la lutte. Ensuite vient la première personne, c’est-à-dire que nous nous élevons à la notion du « moi » qui surmonte la dualité. Enfin, avec l’article « la » qui contient deux lettres en une seule syllabe, nous dépassons l’illusion du moi pour nous identifier à la réalité impersonnelle. Le quatrième mot « paix », qui n’est plus soumis à la division trinitaire, désigne bien l’état qui est atteint lorsqu’on a parcouru les trois stades précédents. Bien d’autres arcanes sont encore contenus dans ces quatre mots, mais ils ne sont accessibles qu’aux initiés. Tout est dit dans cette simple phrase. Seul un dieu peut parler ainsi.

Puis elle passait à la phrase suivante et ainsi faisait-elle de chaque parole que le maître malgré lui prononçait, à l’émerveillement général des disciples dont le malheureux tibétain n’arrivait plus à se dépêtrer.