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celui-ci, il y a un génie, un « daimôn », qui veille et qui rêve, qui s’est construit un monde à sa guise et qui cherche à relier ce monde au monde extérieur, cette conjecture à ses propres images, à s’incorporer ces lointains prestiges et ces pressentiments. Ce daimôn enrichit la vie de l’écrivain et la vie de ceux qui le lisent. Il rattache la littérature et la poésie à l’hallucination et à la science. Il ouvre le champ à toutes les découvertes, dans tous les domaines.

Il est le magicien et le transformateur des ressources infinies qui sont en nous, que nous ne discernerions pas sans lui. Souvent il passe inconnu de la génération qui aurait bénéficié de ses richesses ; et alors c’est pour plus tard, pour cinquante ou cent ans plus tard ! Parfois, il est révélé, et commence aussitôt d’agir sur les contemporains.

Je crois bien que c’est le cas pour l’esprit impalpable, mais défini et puissant, qui anime l’œuvre en fusion de Marcel Proust. Laissez faire cette coulée d’or bruni et de flammes courtes, et vous verrez les palais qu’elle édifiera.

Léon DAUDET.
député de Paris.