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de Jean-Paul Richter dans Titan. Car l’esprit littéraire le plus spontané – et celui-ci l’est extrêmement – n’apparaît point ici-bas comme un bolide. Il est le résultat d’une lente germination à travers les formes mentales, les œuvres du passé, et ces lectures, qui suscitent en nous des personnages imprévus. Marcel Proust – cela se sent même si on ne le connaît pas – est un homme des plus et des mieux cultivés. Mais il y a en lui un don naturel, qui rapporte à la vie toutes ses connaissances, qui les ré-anime, les ré-incarne.

Chose rare depuis de longues années, et bien avant la tragédie sanglante, il possède la faculté comique. Il dépasse le point d’observation aigre et douloureuse, où cette faculté tourne à l’amertume, comme chez Vallès et ses successeurs. Cela tient à son manque total de vanité, et même de personnalisme. L’outrecuidance, l’indifférence, la sauvagerie, la sottise d’autrui ne le blessent pas, ne le rencontrent même pas sur leurs rails. Elles l’amusent, et il les décrit à la façon du bon botaniste qui tombe sur des graines rares, et les met dans la terre et l’eau, pour voir comment elles germeront.

Il raconte en vingt pages la conver-