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sèche. Il faisait si bon sous les pins de l’Estérel, si bon pêcher des oursins vers les roches de Pormieu ! Ensuite l’installation du petit ménage, la nouveauté de cette existence intime, le nid à faire et à parer, que de prétextes pour ne pas travailler !

C’est seulement l’été venu, sous les ombrages du château de Vigneux, dont on voit la toiture italienne et les hautes futaies se dérouler dans la plaine de Villeneuve-Saint-Georges, que je me remis à mon interminable roman. Six mois délicieux, loin de Paris alors bouleversé par cette exposition de 1867 que je ne voulus pas même aller voir.

J’écrivais le Petit Chose tantôt sur un banc moussu au fond du parc, troublé par des bonds de lapins, des glissements de couleuvres dans les bruyères, ou bien en bateau sur l’étang qui s’irisait de toutes les teintes de l’heure dans un ciel d’été, et encore, les jours de pluie, dans notre chambre où ma femme me jouait du Chopin que je ne peux plus entendre sans me figurer l’égouttement de la pluie sur les houles