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de folie. Le même bonnet de folie battait au retour, bien avant dans la nuit, son train de carnaval ; et souvent, quand les garçons de l’hôtel dormaient trop fort, tardaient à ouvrir, je l’entendais secouer ses grelots devant la porte en des mouvements découragés, diminués, qui me faisaient songer à la barrique d’Amontillado d’Edgard Poe, au malheureux emmuré, las de supplier, de crier, ne trahissant plus sa présence que par les convulsions dernières de son bonnet. J’ai gardé un souvenir charmant de ces nuits d’hiver pendant lesquelles fut écrite la première partie du Petit Chose. La seconde partie ne suivit que bien plus tard. Entre les deux se place un événement fort inattendu pour moi, sérieux et décisif : je me mariai. Comment cela advint-il ? Par quel sortilège l’endiablé Tzigane que j’étais alors se trouva-t-il pris, envoûté ? Quel charme sut fixer l’éternel caprice ?

Pendant des mois, le manuscrit fut encore abandonné, oublié au fond des malles du voyage de noces, étalé sur des tables d’hôtel devant un encrier aride et une plume