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çaise une grande pièce intitulée : la Volonté ; et, bien que manifestée en vers exécrables, cette volonté m’imposait, à moi qui en manquais tellement. Aussi étais-je venu me serrer contre son auteur, espérant gagner le goût du travail au contact de ce producteur infatigable.

Le fait est que, pendant deux ou trois mois, je piochai ferme, à une petite table voisine de la sienne, dans le jour d’une fenêtre cintrée et basse qui encadrait l’Odéon et son portique, la place déserte, toute luisante de verglas. De temps en temps Duboys, qui travaillait à je ne sais quelle grande machine à surprises, s’interrompait pour me raconter les combinaisons de son roman ou me développer ses théories sur « le mouvement cylindrique de l’humanité ». Il y avait en effet chez ce méthodique et doux bureaucrate des tendances de visionnaire, d’illuminé, comme il y avait dans sa bibliothèque un rayon réservé à la cabale, à la magie noire, aux plus bizarres élucubrations. Dans la suite, cette fêlure de son cerveau s’agrandit, laissant la démence