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l’assied devant du papier et lui dit : « Écris ! ». Le ramoneur écrit, et l’article se trouve charmant. C’est ainsi que le Tout Paris, illustre ou obscur, qui tient une plume, a traversé le Figaro. C’est ainsi que de braves garçons — voyant se renouveler en leur faveur l’histoire du quatrain de Saint-Aulaire, — ont eu, pour une heureuse trouvaille de quinze lignes, leur quart d’heure de célébrité. Après, le miracle ne se renouvelant plus, on les déclarait vidés, et vidés par Villemessant. J’ai connu un Paris rempli ainsi de gens vidés. Époque de candeur où l’on était vidé pour quinze lignes !

Non pas que Villemessant méprise la littérature, au contraire ! Peu lettré lui-même, il a pour les gens qui écrivent bien, qui tiennent leur langue (c’est son terme), un respect de paysan pour le latin de son curé. Mais il se rend compte instinctivement, et non sans raison, que ce sont là choses de gros livres et d’académie. À des galettes de ce poids et de cette taille, il préfère pour sa boutique le fin feuilleté parisien. Il disait un jour à Jouvin devant moi, avec la cynique