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ticle d’un tel ? « — Charmant ! — Du talent, n’est-ce pas ? — Énormément de talent ! » Villemessant monte au journal radieux : « Où est un tel ? Faites-moi venir un tel !… énormément de talent !… il n’y a que lui !…, tout Paris parle de son article ! » Et voilà un tel félicité, choyé, augmenté. Quatre jours après, à la même table, le même convive déclare l’article du même un tel ennuyeux, et Villemessant se dresse encore, non plus radieux, mais furieux, non plus pour l’augmenter, mais pour lui régler son compte. C’est sans doute à la suite d’une de ces consultations entre poire et fromage que se produisit la scène entre Villemessant et Paul d’Ivoy, qui scandalisa si fort ma candeur première.

Qu’importe un rédacteur à Villemessant ! Celui-ci parti, un autre se retrouve ; et le dernier venu est toujours le meilleur. Selon lui, tout homme a son article dans le ventre, il ne s’agit que de le faire sortir. Monselet avait brodé là-dessus une ravissante légende : Villemessant rencontre un ramoneur dans la rue ; il l’amène au Figaro, le débarbouille,