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sées à tous les coins de la rose des vents, une fois la voie trouvée, il s’est fixé et a filé droit. Son journal est devenu sa vie.

L’homme et l’œuvre se ressemblent ; et jamais personne, on peut le dire, ne fut plus exactement taillé à la mesure de son destin. D’une activité étonnante, vivant, remuant, déplaçant une quantité d’air énorme, sobre avec cela, comme on l’était jadis, ce qui étonne les gens d’aujourd’hui ; ne buvant pas, ne fumant pas, ne craignant ni le bruit, ni les coups, ni les aventures ; peu scrupuleux au fond, toujours prêt à jeter les préjugés par-dessus bord, et n’ayant jamais eu de foi politique bien profonde, mais aimant à faire parade d’un légitimisme assez platonique et d’un certain respect qu’il suppose bien portés, Villemessant était le capitaine qu’il fallait pour commander ce hardi corsaire qui, vingt ans durant, sous pavillon du Roy semé de fleurs de lys, a fait la course un peu pour son compte.

Il est tyrannique, capricieux ; mais allez au fond, et toujours l’intérêt du journal vous donnera le pourquoi de sa tyrannie et de