Page:Daudet - Trente ans de Paris, Flammarion, 1889.djvu/52

Cette page a été validée par deux contributeurs.

une histoire, une anecdote, un mot bien fin, bien parisien, enveloppé dans un gros rire ; avec cela des airs pénétrés, une joie intime et visible de dire : « Monsieur le duc ! » et le grief était oublié.

Ailleurs, chez Persigny, par exemple, la familiarité réussissait moins ; et Villemessant vit certain jour, dans la froide atmosphère officielle, ses plus tourbillonnantes bouffonneries geler en l’air, et retomber raides. Mais Morny, lui, pardonnait tout ; cet homme raffolait de Villemessant, et grâce à sa souveraine protection le Figaro pouvait se permettre mille frasques. Aussi, quel respect, quelle vénération pour le président : je vis le moment où on allait lui construire une petite chapelle dans l’épaisseur des murs du bureau de rédaction, comme au génie protecteur du lieu, comme à un dieu Lare. — Ce qui n’empêcha pas le Figaro de publier un matin, en belle place, à propos du théâtre de M. de Saint-Rémy, (c’est le pseudonyme que prenait le duc pour faire de la littérature), un article d’Henri Rochefort, corrodant comme une éprouvette