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donnerai lecture de vos articles en plein tribunal, et nous verrons s’il y a un traité qui me force à fourrer dans mon journal de pareilles niaiseries ! » Villemessant était homme à faire comme il le disait, et Paul d’Ivoy ne plaida point. Mais c’est égal, cette façon de secouer sa rédaction par la fenêtre, comme un vieux tapis, me donna froid dans le dos, à moi naїf. J’aurais voulu être à cent pieds sous terre avec mon malheureux manuscrit ridiculement roulé. C’est une impression sur laquelle je n’ai jamais pu revenir. J’ai vu souvent Villemessant depuis, toujours il s’est montré fort aimable, et toujours j’ai ressenti en le voyant le frisson de désagréable terreur que dut ressentir le petit Poucet à sa rencontre avec l’ogre.

Ajoutons pour être juste que, plus tard, à la mort de ce même Paul d’Ivoy si brutalement exécuté, ce fut Villemessant — ogre doublé d’un saint Vincent de Paul — qui voulut se charger de la pension de ses enfants.

« Est-il bon ? est-il méchant ? » On est embarrassé pour répondre, et la comédie de Diderot semble écrite à son intention. Bon ?