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que dans un roman de Dickens que je ne connaissais pas, l’Ami commun, se trouvait exactement la même affabulation d’une jeune fille infirme, habilleuse de poupées, rendue avec cette tendresse profonde des humbles, cette féerie de la rue du grand romancier anglais. Ce fut une occasion de me rappeler combien de fois on m’avait comparé à Dickens, même en un temps lointain où je ne l’avais pas lu, bien avant qu’un ami, au retour d’un voyage en Angleterre, ne m’eût appris la sympathie de David Copperfield pour le Petit Chose. Un auteur qui écrit selon ses yeux et sa conscience n’a rien à répondre à cela, sinon qu’il y a certaines parentés d’esprit dont on n’est pas soi-même responsable, et que le jour de la grande fabrication des hommes et des romanciers, la nature, par distraction, a bien pu mêler les pâtes. Je me sens au cœur l’amour de Dickens pour les disgraciés et les pauvres, les enfances mêlées aux misères des grandes villes ; j’ai eu comme lui une entrée de vie navrante, l’obligation de gagner mon pain avant seize ans ; c’est là, j’imagine, notre plus grande