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lieux strictement vrais, copiés d’après nature.

D’après nature !

Je n’eus jamais d’autre méthode de travail. Comme les peintres conservent avec soin des albums de croquis où des silhouettes, des attitudes, un raccourci, un mouvement de bras ont été notés sur le vif, je collectionne depuis trente ans une multitude de petits cahiers sur lesquels les remarques, les pensées n’ont parfois qu’une ligne serrée, de quoi se rappeler un geste, une intonation, développés, agrandis plus tard pour l’harmonie de l’œuvre importante. À Paris, en voyage, à la campagne, ces carnets se sont noircis sans y penser, sans penser même au travail futur qui s’amassait là ; des noms propres s’y rencontrent que quelquefois je n’ai pu changer, trouvant aux noms une physionomie, l’empreinte ressemblante des gens qui les portent. Après certains de mes livres on a crié au scandale, on a parlé de romans à clefs ; on a même publié les clefs, avec des listes de personnages célèbres, sans réfléchir que, dans mes autres ouvrages, des figures vraies avaient posé