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des ; et, un peu plus tard, une volée d’enfants courant vers l’école à une lieue de là, et faisant le train fuyard d’une compagnie de perdreaux.

Ce qui m’excitait, chauffait cette terrible et haletante besogne, c’est qu’à partir du mois de juin, et bien avant que j’eusse terminé mon livre, le Moniteur de Paul Dalloz en commençait la publication. J’ai cette habitude, qui peut sembler en contradiction avec ma méthode si lente et consciencieuse de travail, de livrer d’avance aux journaux les premiers chapitres achevés. J’y gagne d’être obligé de me séparer de mon œuvre, sans céder à ce désir tyrannique de perfection qui fait reprendre aux artistes et recommencer dix fois, vingt fois la même page. J’en sais qui s’épuisent ainsi, se consument stérilement pendant des années sur un même ouvrage, paralysent leurs qualités réelles et en arrivent à produire ce que j’appelle de la « littérature de sourd », dont les beautés, les finesses ne sont plus comprises que d’eux seuls.

J’y gagne encore de fouetter mon indolence