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Zola a fait depuis une popularité, m’a été aussi d’un grand secours, rempli d’expressions typiques, d’un argot spécial à certains corps de métier, de même que j’ai trouvé dans le Manuel Roret et les Grandes Usines de Turgan les détails techniques de ces intérieurs d’ateliers, nouveaux pour moi. Voilà les dessous d’un roman, la préparation, lente autant que possible, mais serrée et fournie, d’où jaillira pour l’écrivain l’invention, le style, le prestige vrai de l’œuvre. Et dire que certaines gens vous demandent deux mois après une publication nouvelle : « À quand le prochain livre ?… Allons donc, paresseux. »

Les ratés et leur milieu m’ont coûté beaucoup moins de peine et de recherches. Je n’ai eu qu’à regarder derrière moi, dans mes vingt-cinq ans de Paris. Le pontifiant Dargenton existe tel que je l’ai montré, avec son front démesuré, ses crises imaginaires, son égoїsme aveugle et féroce de Bouddah impuissant. Pas un de ses « mots cruels » n’est inventé ; je les ai cueillis sur sa bouche féconde à mesure qu’ils y fleurissaient, et sa