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peuple, je le connaissais ; j’y avais fait de longues stations pendant la maladie de Raoul, sans compter le renseignement de ses articles. Mais les Goncourt ayant décrit à fond et définitivement la Charité dans Sœur Philomène, je ne pouvais recommencer après eux. Aussi y ai-je à peine touché, et seulement en de courts passages.

Ce qui m’a surtout servi pour peindre, dans la troisième partie de Jack, le peuple des faubourgs, ce sont mes souvenirs du siège et de la garde nationale, le bataillon ouvrier avec lequel j’ai roulé Paris et la banlieue quatre mois durant, dormi sur le bois moisi des baraques, sur la paille des wagons à bestiaux, et qui m’a appris à aimer le peuple même dans ses vices, faits de misère et d’ignorance. Le Bélisaire de mon livre — Offehmer, de son vrai nom — était avec moi à la sixième du quatre-vingt-seizième ; et je le vois encore, avec ses pieds trop grands et difformes, rompant le rang par sa boiterie, toujours le dernier du bataillon dans l’interminable rue de Charenton. Le livre de Denis Poulot, le Sublime, à qui le beau roman de