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Et quelque temps après, m’arrivait la triste nouvelle :

« Raoul est mort à l’hôpital civil d’Alger, le 13 février dernier, après une longue et douloureuse agonie. Jusqu’au dernier moment il a demandé la caresse que sa mère lui a refusée. — Je souffre bien, me disait-il, un mot de ma mère calmerait ma souffrance, j’en suis sûr. — Ce mot n’est pas arrivé, n’a pas été envoyé… Croyez-moi, cette femme a été cruelle et sans pitié pour son enfant. Raoul adorait sa mère ; et pourtant, à son lit de mort, il a porté sur elle un terrible jugement : — Je ne puis l’estimer ni comme mère, ni comme femme ; mais tout mon cœur, prêt à cesser de battre, est rempli d’elle ; je lui pardonne le mal qu’elle m’a fait. — Raoul m’a longuement parlé de vous avant de mourir. Au milieu de sa triste vie de souffrance et de privations il s’étonnait de trouver un souvenir doux et riant. — Dites-lui bien qu’au moment de quitter la vie, c’est lui et sa chère femme que je regrette de perdre. — Je m’étais très intimement lié avec le pauvre malade que vous nous aviez