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Alphonse Duchesne et Delvau m’apparaissent aussi dans un coin de la brasserie, deux encore ! Singulier destin que celui de cette génération si tôt fauchée, où l’on ne dépasse pas quarante ans ! Delvau, Parisien curieux de Paris, l’admirant dans ses fleurs, l’aimant dans ses verrues, fils de Mercier et de Rétif de la Bretonne, dont les petits livres très soignés, pleins de menus faits et d’observations pittoresques, sont devenus le régal des gourmets et la joie des bibliophiles. Alphonse Duchesne, alors tout échauffé de sa grande querelle avec Francisque Sarcey qui, plantant le drapeau des Normaliens en face du drapeau des Bohêmes, venait de débuter en littérature par un article batailleur : les Mélancoliques de brasserie.

C’est à la brasserie qu’Alphonse Duchesne et Delvau écrivaient ces « Lettres de Junius » qu’un commissionnaire mystérieux remettait au Figaro toutes les semaines, et qui bouleversèrent Paris. Villemessant ne jurait plus que par ce mystérieux Junius. C’était évidemment un grand personnage. Tout l’indiquait : l’allure des lettres, leur