Page:Daudet - Trente ans de Paris, Flammarion, 1889.djvu/261

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ter les Châtiments de Victor Hugo dans toute leur saveur de fruit défendu. On l’entoure, on l’acclame ; mais le voilà parti, cherchant Courbet, il lui faut Courbet, il a besoin de causer avec Courbet pour sa « Philosophie de l’art au Salon de 1857 ». Sans renoncer à l’art, et tout en continuant à écrire d’une plume allègre plus d’une page remarquable sur nos Salons annuels, le finaud Saintongeois, toujours souriant d’un sourire narquois derrière ses moustaches tombantes, s’est laissé peu à peu glisser dans la politique. Conseiller municipal, puis directeur du Siècle, au conseil d’État aujourd’hui, il ne déclame plus de vers et ne porte plus de gilet rouge.

Voici Charles Baudelaire, un grand poète tourmenté en art par le besoin de l’inexploré, en philosophie par la terreur de l’inconnu. Victor Hugo a dit de lui qu’il a inventé un frisson nouveau. Et personne, en effet, n’a fait parler comme lui l’âme des choses ; personne n’a rapporté de plus loin ces fleurs du mal, éclatantes et bizarres comme des fleurs tropicales qui poussent gonflées de