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ment l’œuf à la coque et la côtelette avec le duc de Grammont-Caderousse, le roi de la gomme du moment. Le Nain jaune fut la seule concurrence sérieuse qu’ait jamais rencontrée Villemessant. Admirablement servi par ses relations mondaines, Scholl était arrivé en quelques mois à faire de son journal le moniteur de la haute vie et des clubs, l’arbitre des élégances parisiennes ; mais, au bout d’un an, il se dégoûta, il valait mieux que ce métier ; il était trop écrivain, trop journaliste pour rester longtemps directeur.

Au Nain jaune, le succès de Rochefort fut rapide ; au Figaro, qui se hâta de l’enrôler, il fut plus éclatant encore. Les Parisiens, toujours frondeurs et depuis longtemps déshabitués d’indépendance, prenaient goût à ces pamphlets, qui se mettaient à tutoyer tout haut, d’un ton de gouaillerie railleuse, toute sorte de choses officielles et solennelles que jusqu’alors les plus hardis osaient à peine railler tout bas. Rochefort est lancé, il a des duels — plus heureux que celui au bord de l’étang de Chaville ; il joue