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la mêlée politique. Il est en pleine bataille maintenant, et c’est plaisir de voir ce petit-fils de Rivarol, devenu républicain, diriger contre les ennemis de la République les flèches d’or frottées d’un peu de curare à la pointe, empruntées à l’arsenal réactionnaire des Actes des apôtres. Mais, à l’époque du Nain jaune, la politique chômait, et Scholl, pas plus que Rochefort d’ailleurs, ne songeait guère à la République. Il se contentait d’être un des sceptiques les plus aimables et des railleurs les plus spirituels de Paris. Très amoureux du paroistre, en sa qualité de Bordelais, il soutenait, — ce qui par ce temps de sainte bohème ne laissait pas que d’avoir un petit fumet de paradoxe. — il soutenait que l’homme de lettres a le devoir de payer son bottier, et qu’on peut être spirituel avec des gants frais et du linge propre. Conséquent avec ses principes, il avait tout des élégants d’alors, même le monocle incrusté dans l’œil, qu’il garde encore ; il déjeunait chez Bignon et donnait aux Parisiens le spectacle vraiment nouveau d’un simple chroniqueur partageant quotidienne-