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faire de la littérature souterraine au fond d’un pupitre, en se cachant de leurs chefs comme ils se cachaient de leurs professeurs. Rochefort n’avait pas échappé au sort commun. Après avoir tâté de la haute littérature et envoyé infructueusement à tous les concours poétiques de France je ne sais combien de sonnets et d’odes, il usait, lorsque je le connus, les plumes et le papier de la municipalité parisienne à écrire de petits comptes-rendus de théâtre pour le Charivari, qui renouvelait sa rédaction et essayait de s’infuser un sang plus jeune.

Bien que je ne pusse deviner ce que serait un jour Rochefort, sa physionomie d’abord m’intéressa. Ce n’était évidemment pas celle de quelqu’un fait pour s’accommoder longtemps de cette existence d’employé, réglée par le va-et-vient des heures de bureau comme au tic-tac exaspérant d’un coucou de la Forêt-Noire. Vous connaissez cette tête étrange, telle alors qu’elle est restée depuis, ces cheveux en flamme de punch sur un front trop vaste, à la fois boite à migraine et réservoir d’enthousiasme, ces yeux noirs et creux