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fait pour toucher les cœurs et tirer les larmes vertueuses, avait eu quelque rapport avec les effroyables atellanes où se complaît le monstrueux polichinelle turc ; comme si on pouvait sans blasphème comparer le classique Odéon aux repaires clandestins de la haute ville maure, dans lesquels, chaque soir, malgré les défenses de la police, les bons musulmans vont se délecter au spectacle des lubriques prouesses de leur héros favori !

Ce sont là mirages du pays d’Afrique. À Paris, la désillusion m’attendait. Car je retournai à Paris, j’y retournai tout de suite, et plus tôt que la prudence et la Faculté n’auraient voulu. Mais que m’importaient la brume et la neige que j’allais chercher, que m’importait le tiède azur que je laissais là-bas, en arrière ? Voir ma pièce, il n’y avait plus que cela… Embarqué ! débarqué ! je brûle Marseille, et me voilà en wagon, grelottant avec ivresse. J’arrivai à Paris, le soir, vers les six heures, il faisait nuit. Je ne dînai pas : « Cocher, à l’Odéon ! » Ô jeunesse !