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en transparence sur la toile le croissant symbolique et l’empreinte de la main sanglante, ornements obligés de toutes les demeures arabes.

Une après-midi délicieuse et qui aurait dû ne jamais finir ! Une de ces heures d’or qui se détachent encore après vingt-quatre ans, lumineuses comme au premier jour, sur le fond grisaille de la vie. Et voyez combien illogique et perverse est notre triste nature humaine. Aujourd’hui encore, je ne saurais songer à cette sieste sous la tente, sans regret et sans nostalgie, mais, là-bas, il faut bien que je l’avoue, là-bas je regrettais Paris.

Oui ! je regrettais Paris, que ma santé fort compromise par cinq ans de noviciat littéraire m’avait obligé de quitter brusquement, je regrettais Paris pour les choses aimées que j’y laissais, pour ses brumes et pour son gaz, pour ses journaux, ses livres nouveaux, pour les discussions au café, le soir, ou sous le péristyle des théâtres, pour cette belle fièvre d’art et ce perpétuel enthousiasme, qui ne m’apparaissaient alors