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de Mayorque — avec un chargement d’oranges… » Et l’on pouvait s’y croire à Mayorque, devant ce ciel embrasé, ces pentes de vignobles, étayées de muretins en pierre sèche, parmi les oliviers, les grenadiers, les myrtes.


Par les fenêtres ouvertes, les rimes partaient en vibrant comme des abeilles ; et l’on s’envolait derrière elles, des jours entiers, à travers ce joyeux pays du Comtat, courant les votes et les ferrades, faisant des haltes dans les bourgs, sous les platanes du Cours et de la Place, et du haut du char à banc qui nous portait, à grand tapage de cris et de gestes, distribuant l’orviétan au peuple assemblé. Notre orviétan, c’étaient des vers provençaux, de beaux vers dans la langue de ces paysans qui comprenaient et acclamaient les strophes de Mireille, la Vénus d’Arles d’Aubanel, une légende d’Anselme Mathieu ou de Roumanille, et reprenaient en chœur avec nous la chanson du soleil : Grand soleil de