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le soir, on errait en chantant des vers au milieu des petites ruelles découpées, de murs croulants, de restes d’escaliers, de chapiteaux découronnés, dans une lumière fantômale qui frisait les herbes et les pierres comme d’une neige légère. « Des poètes, anén !… » disait maître Cornille… « De ces personnes qui z’aiment à voir les ruines au clair de lune. »

Le Félibrige s’assemblait encore dans les roseaux de l’île de la Barthelasse, en face des remparts d’Avignon et du palais papal, témoin des intrigues, des aventures du petit Vedène. Puis, après un déjeuner dans quelque cabaret de marine, on montait chez le poète Anselme Mathieu à Châteauneuf-des-Papes, fameux par ses vignes qui furent longtemps les plus renommées de Provence. Oh ! le vin des papes, le vin doré, royal, impérial, pontifical, nous le buvions, là-haut sur la côte, en chantant des vers de Mistral, des fragments nouveaux des Iles d’or. « En Arles, au temps des fades — florissait — la reine Ponsirade — un rosier… » ou encore la belle chanson de mer : « Le bâtiment vient