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le petit village de Frédéric Mistral, dont me séparait la dentelle rocheuse des Alpilles ; tantôt à Arles, sur le forum, au milieu d’un grouillement de bouviers et de pâtres venus pour se louer aux gens des Mas. On allait aux Alyscamps écouter, couchés dans l’herbe parmi les sarcophages de pierre grise, quelque beau drame de Théodore Aubanel, tandis que l’air vibrait de cigales et que sonnaient ironiquement derrière un rideau d’arbres pâles les coups de marteau des ateliers du P.-L.-M. Après la lecture, un tour sur la Lice pour voir passer sous ses guimpes blanches et sa coiffe en petit casque la fière et coquette Arlésienne pour qui le pauvre Jan s’est tué par amour. D’autres fois, nos rendez-vous se donnaient à la Ville des Baux, cet amas poudreux de ruines, de roches sauvages, de vieux palais écussonnés, s’effritant, branlant au vent comme un nid d’aigle sur la hauteur d’où l’on découvre après des plaines et des plaines, une ligne d’un bleu plus pur, étincelant, qui est la mer. On soupait à l’auberge de Cornille ; et tout