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me semble avoir des qualités de jeunesse, de vie et de vérité ; une vérité d’outre-Loire qui enfle, exagère, ne ment jamais, et tarasconne tout le temps. Le grain de l’écriture n’est pas très fin ni très serré. C’est ce que j’appelle de la « littérature debout », parlée, gesticulée, avec les allures débordantes de mon héros. Mais je dois avouer, quel que soit mon amour du style, de la belle prose harmonieuse et colorée, qu’à mon avis tout n’est pas là pour le romancier. Sa vraie joie restera de créer des êtres, de mettre sur pied à force de vraisemblance des types d’humanité qui circulent désormais par le monde avec le nom, le geste, la grimace qu’il leur a donnés et qui font parler d’eux, — qu’on les déteste ou qu’on les aime, — en-dehors de leur créateur et sans que son nom soit prononcé. Pour ma part, mon émotion est toujours la même, quand à propos d’un passant de la vie, d’un des mille fantoches de la comédie politique, artistique ou mondaine, j’entends dire : « C’est un Tartarin… un Monpavon… un Delobelle. » Un frisson me passe alors, le