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vous le dire de deux façons ; car l’histoire de Fleurance, comme toutes les chansons populaires, a fait son tour de France dans la balle des colporteurs, et je l’ai retrouvée en Picardie avec une variante significative. Dans la chanson picarde, au milieu du repas, la dame se met à pleurer.

« Vous pleurez, belle Fleurance ? » demande le pèlerin tout tremblant.

« Je pleure parce que je vous reconnais et que vous êtes mon cher mari… »

Au contraire, la petite Fleurance provençale, à peine est-elle assise en face du pèlerin à grande barbe que, gentiment, elle se n’en rit. « Hé de quoi vous riez, Fleurance ? ―  ! Je ris parce que vous êtes mon mari. »

Et elle saute sur ses genoux en riant, et le pèlerin rit aussi dans sa barbe d’étoupe,