Page:Daudet - Trente ans de Paris, Flammarion, 1889.djvu/121

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il est mort laissant pour tout bagage deux petits actes écrits en collaboration avec Théodore de Banville, un Polichinelle inachevé, d’allure assez originale et retapé depuis par des faiseurs, et un volume de vers recueillis et publiés par les soins de ses amis. On avait obtenu un petit bureau de poste pour sa veuve. Après avoir longtemps pleuré son poète, la bonne et simple femme s’est, il y a deux ans, remariée. Devinez avec qui ? Avec le facteur.

N’ai-je pas eu raison d’attirer votre attention sur Philoxène et sur sa femme ? Pour moi, je ne saurais les oublier, et je les vois encore discrets et timides, à l’angle du petit salon ; lui, agité de nerveux soubresauts, elle, serrant les genoux, étonnée ; tandis que Pagans, nouvellement arrivé du pays des cédrats, chante ses chansons espagnoles ; que Mme la comtesse Chodsko sert un thé grêle et clair — vrai thé d’exilé ! — à de superbes Polonaises, aux cheveux lourds, tordus par masses sur la nuque, ardents, couleur d’épis brûlés ; et que le bon vieux père Chodsko, à minuit sonnant, avec la régu-