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Quelques railleurs l’avaient surnommée Éloa, à cause de son grand nez et de son œil mystique. Mais ceci est postérieur ; à l’époque où je fus présenté chez Mme Ancelot, le poète vivait encore, et la perruche ne mêlait pas son petit cri vieillot et grêle au formidable gazouillis qui, par manière de protestation, j’imagine, s’élevait de toutes les cages, quand M. Viennet essayait de dire quelques vers.

Parfois, le salon se rajeunissait. On y voyait ces jours-là Lachaud, le célèbre avocat, avec la fille de Mme Ancelot qu’il avait épousée : elle, un peu triste, lui gras et glabre avec une belle tête de Romain, de jurisprudent du Bas-Empire. Des poètes : Octave Lacroix, l’auteur de la Chanson d’avril, de l’Amour et son train, joué au Théâtre-Français ; il m’impressionnait fort, quoique assez bénin d’apparence, étant secrétaire de Sainte-Beuve. Emmanuel des Essarts venait là amené par son père, écrivain distingué, bibliothécaire à Sainte-Geneviève. Emmanuel des Essarts était alors un tout jeune homme, débutant à peine, et portant encore, autant