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balthazar, joyeusement.

Salut, salut, jeunesse… (Il vient s’asseoir au hord du puits.)

la servante.

Bon Dieu ! comme vous avez chaud, mon pauvre berger.

balthazar, s’essuyant le front.

Je viens de loin, et le soleil est dur… Donne-moi ta cruche… (La femme lève sa cruche et le fait boire.)

la servante.

Si c’est possible de se mettre le corps dans un état pareil, à votre âge…

balthazar.

Bah ! je ne suis pas si vieux qu’on croit… C’est seulement ce grand coquin de soleil dont je n’ai pas l’habitude… Songe, ma fille : voici plus de soixante ans que je n’avais passé un mois de juin dans la plaine. (Les valets se sont approchés et font cercle autour de lui.)

un valet.

C’est vrai, père. Vous êtes en retard, cette année, pour le passage des troupeaux.

balthazar.

Dam ! oui. Les bêtes ne sont pas contentes ; mais, que veux-tu ?… J’ai marié le père, j’ai marié le grand-père, je ne pouvais pas m’en aller sans marier le petit… Heureusement que ce ne sera pas long : aujourd’hui, on publie les bans, premier, dernier ; jeudi, les présents ; samedi, la noce. Puis, en route pour la montagne…