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ambroix, passant.

Laissez-moi, ne m’approchez pas ! Vous me faites horreur, je vous dis. (Il va vers la porte.)

madame ambroix, courant après lui, suppliante.

Où allez-vous ?

madame ambroix

Ma vie ne vous regarde pas ; je vous défends de regarder dans ma vie. Je m’en vais, je quitte à jamais cette maison que j’abhorre, je m’en vais et je vous maudis. (Il sort par le fond, repousse sa femme et ferme violemment la porte derrière lui.)


Scène V

MADAME AMBROIX, seule.
Elle a couru après son mari et s’arrête devant la porte fermée.

Ambroix ! Ambroix ! Mais c’est impossible ! Il ne faut pas me quitter ainsi, Ambroix ! (Revenant en scène.) Oh ! je tremble, j’ai honte. — Mourir ! je veux mourir ! (Elle cache en sanglotant son front dans ses mains et se jette sur un siège à droite. Silence.) Ah ! tu croyais tout fini, toi ; tu croyais ton crime expié, ton passé racheté. Ah ! tu croyais que pour laver ta faute c’était assez d’exiler une moitié de ta vie, et de l’interdire les regrets, le souvenir, tout, même les larmes. Eh bien, non, non, rien n’est expié, rien n’est racheté. Après huit ans de prière et de