Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/37

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

madame ambroix

J’en suis sûre.

ambroix

Lisez. (Il lui donne la lettre. — Silence.) Votre main tremble… vous pâlissez. Vous l’aimez toujours. (Il repousse sa main qu’il tenait.)

madame ambroix, elle étouffe un cri et dit tout bas.

Voilà huit ans qu’il était mort pour moi.

ambroix

Lâche et menteuse… Comme elle a trompé son mari, elle renie son amant.

madame ambroix

Oh ! assez de cruautés, n’est-ce pas, Ambroix ; assez de cruautés et de mépris. Vous avez le droit de me tuer, mais non de me torturer ainsi.

ambroix

Vous tuer ? Pourquoi faire ? Pour vous l’envoyer rejoindre, peut-être ? Non, non, cela vous rendrait trop heureuse ; et moi qui n’ai personne à m’attendre là-bas, moi, qui serai seul dans la mort comme je l’ai été dans la vie, je serais trop jaloux de votre bonheur. (Il s’assied prés du bureau, et dans sa colère menace le portrait.) Ah ! quand je songe que c’est toi, toi, regard faux et vil, toi, bouche menteuse et ironique, que c’est toi, maudit, qui m’as gâté toute ma vie, toi enfin qui m’as fait mes dernières heures si cruelles, si longues, si misérables ! (Il prend le couteau.) Tiens ! tiens ! (il frappe le portrait.)

madame ambroix, voulant le retenir.

Ambroix ! que faites-vous > revenez à vous.