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comme un fer brûlant, et je vois bien à la pâleur de vos traits, à votre voix qui tremble, à la fièvre qui vous brûle, je vois bien tout ce que vous souffrez et quel horrible plaisir vous trouvez à reparler de ces choses et à vous plonger dans ce triste passé. Écoutez-moi, je vous ferai tout ce que vous voudrez, tout ! je serai votre servante encore plus humble, encore plus soumise, encore plus dévouée. Vous verrez comme je serai bonne ; mais, par pitié, ne m’accablez pas de la sorte.

ambroix, a pris lu lettre d’envoi, et la lui montrant.

Cette lettre vous brûle les yeux… vous voudriez savoir ce que contient cette lettre, et comment ce portrait a pu vous être renvoyé ? (Vite.) Je vais vous le dire, moi ! (Il passe à droite après avoir remis vivement la chaise de Gertrude auprès de la table.)

madame ambroix

Ne me dites rien, Ambroix, je ne veux rien savoir.

ambroix

Mais si, mais si !… Il faut que vous sachiez ce qu’est devenu l’homme que vous aimez.

madame ambroix

Dieu m’a donné la force de ne plus l’aimer.

madame ambroix

Vraiment !… Dieu vous a donné cette force. En étes-vous sûre ? Regardez-moi, Gertrude, vos yeux dans mes yeux et votre main dans la mienne : étes-vous sûre de ne plus l’aimer ?