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reconnaît sa lettre.) Ma lettre ! (Tombant à genoux.) Ma lettre ! Grâce ! (Amhoix s’est levé et se tient debout appuyé contre la table.)

ambroix

Vous m’avez porté là un coup terrible, Gertrude. On ne revient pas de pareilles secousses à mon âge, savez-vous ?

madame ambroix

J’ai tant souffert, j’ai tant pleuré depuis huit ans.

ambroix

Vous n’avez pas soufFert pendant huit ans ce que je viens de souffrir pendant dix minutes. Une de mes larmes vaut toutes les vôtres.

madame ambroix

Mon Dieu ! que lui dire ? que faire ? comment lui prouver !…

ambroix, relevant madame Ambroix qui lui a pris la main.

Me prouver quoi ? que depuis huit ans vous vous êtes repentie ! mais, malheureuse, la grandeur de vos repentirs ne fait que me rappeler l’énormité de votre faute, et pensez-vous que toutes ces larmes auxquelles je veux bien croire…

madame ambroix

Oh !

ambroix, sévèrement.

Auxquelles je veux bien croire ; pensez-vous que toutes les larmes du monde puissent guérir l’immense blessure que vous m’avez faite là ! Les larmes entretiennent les plaies, elles ne les cicatrisent pas.