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Scène II


AMBROIX, seul, puis un Facteur.


ambroix, descend en scène.

Trois heures d’église par dimanche pour toute une existence de dévouement, ce n’est certes pas beaucoup, et j’aurais eu vraiment tort de la priver de ses vêpres. (Les cloches cessent. — Regardant par la croisée.) La voilà qui traverse la place. (Il s’assied.) Comme une honnête femme a sa démarche à elle ! je ne sais quel parfum de pudeur et de chasteté se dégage de tout son être et lui conserve quelque chose de jeune et de naïf : ces femmes-là, on dirait éternellement de petites filles ! Bonjour, Gertrude, bonjour, mon amie ; allez prier pour votre vieil Ambroix ! que Dieu lui fasse de longs jours à vous aimer, à vous bénir. Surtout qu’il ne me joue pas le mauvais tour de me rappeler à lui le dernier, ce serait gâter tout le bonheur de ma vie. Saperlotte ! me voilà tout ému, mais très ému ; c’est à croire qu’il va m’arriver quelque chose aujourd’hui. Suis-je enfant ! comme si, à mon âge, il pouvait m’arriver encore quelque chose ! À moins que ce ne soit Léopold qui m’arrive. (Il boit.) Gertrude avait raison… Ce café est abominablement sucré. Quelle heure est-il ? Trois heures et demie. J’en ai encore pour une heure à l’attendre. (Sons d’orgue.) Tiens ! si je lui faisais la surprise d’aller la chercher à la sortie. Ce n’est pas que ce soit loin, mais cette affreuse goutte… (Écou-