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madame jourdeuil, elle lui a pris les mains, le regarde attentivement, et parle à demi-voix, comme à elle-même.

Quand mon enfant allait mourir, voilà la main qui l’a arraché de l’eau ; voilà les yeux qui l’ont veillé pendant un mois, anxieux, toujours ouverts comme les yeux d’une mère. (Très émue) Ah ! écoutez, je suis bien contente de vous voir. (Elle veut porter la main de Franqueyrol à ses lèvres.)

franqueyrol, très ému, se lève brusquement et retire sa main.

Et moi aussi, cap de Diou ! je suis content de vous voir ; mais est-ce que nous n’avons rien de mieux à nous conter que cet ancien récit de sauvetage ? D’abord, vous saurez, pour votre gouverne, qu’en vous tirant votre garçon de l’eau, c’est encore moi qui ai fait la meilleure affaire. Toutes les chances à la fois : je suis fou de peinture, je repêche un grand peintre ; je n’avais pas d’amis, je m’en suis fait un. Je n’avais plus de maman, j’en ai retrouvé une, et du bon coin encore. Vous voyez que ce n’est pas vous qui devez parler de reconnaissance.

madame jourdeuil, tournée vers Louise.

Hein ! le brave enfant ! Je voudrais qu’Henri fût là pour l’entendre.

franqueyrol.

Té ! mais, au fait, pourquoi n’est-il pas là, cet Henri ?

louise

Nous l’attendons.