Vous le voulez, vraiment ?… Oh ! alors, je vais tout vous dire ; et puissé-je vous convaincre, vous qui êtes notre juge, qu’il n’y a de coupable ici que moi…
Je vous écoute.
Quand j’ai connu votre frère, monsieur, son deuil avait un an déjà ; mais, comme Dieu m’entend ! après un an, ses larmes coulaient encore, et sa douleur n’avait pas vieilli d’un jour. Jamais veuvage plus austère. Il vivait seul ici dedans, à l’écart de toute joie. On ne le voyait nulle part, et sa maison était comme sa vie, close pour tous. Quelquefois, cependant, il descendait jusqu’au village. Ces jours-là, il venait s’asseoir à un foyer bien humble et bien paisible !… C’est chez le vieux Bénédict, mon tuteur et mon oncle, et le jour même de mon arrivée dans la maison, que je rencontrai André pour la première fois. Je le vois encore, assis dans un coin du salon, silencieux et vêtu de noir. Il était si triste, il me fit tant de peine, que j’eus tout de suite envie d’aller à lui et de le consoler. Ah ! cette pauvre chère tête, pâlie, amaigrie par la douleur, si vous aviez pu la voir, si vous aviez pu la voir comme moi !…
Mon pauvre enfant !
Hélas !… vous le savez, monsieur ; nous autres