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ciennes idoles il n’en reste plus qu’une, une seule, mais celle-là, solide, inébranlable, à l’abri des accidents et des épreuves : cette idole, Gertrude, c’est vous. Oh ! vous n’avez pas besoin de rougir et de détourner la tête. (Il se lève.)

madame ambroix, timidement.

Et votre café, mon ami ?

ambroix, passant à droite, conduit par Gertrude.

Mon café… mon café… je vais le prendre, méchante femme ; ce n’est pas ma faute si je suis dans un jour de ressouvenir et d’attendrissement. {Revenant près de madame Ambroix.) Tout à l’heure encore, pendant que vous me serviez, il y avait dans vos moindres mouvements, dans votre façon de me verser à boire, tant de prévenance, tant d’affection, de piété, que je me suis senti le cœur gros de reconnaissance, j’ai même dû laisser choir une petite, toute petite larme dans ma compote de poires… qui n’en a rien dit à personne.

madame ambroix, montrant le café en souriant.

Avez-vous mis du sucre là-dedans ?

ambroix, va près de la croisée.

Je vais en mettre. (Il sucre son café.) Décidément, Gertrude, il faut écrire à l’encadreur pour qu’il vous rende au plus vite ce portrait. (Il s’assied près de la croisée.)

madame ambroix, met lentement son chapeau devant la glace.

Oui, mon ami, j’écrirai… je vous promets d’écrire.