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dominique, avec un peu d’emharras.

Pourquoi s’occuper du passé ? Nous voilà réunis ; qu’avons-nous à désirer de plus ?

andré

C’est égal, vois-tu, nous aurons beau passer ensemble tout le temps qu’il nous reste à vivre, il manquera toujours quatre années à mon compte. Tu me devras toujours ces quatre années-là. Oh ! tu auras beau faire, tu me les devras toujours.

dominique, souriant.

Allons, frère, ne m’accable pas… Tu vois bien que j’ai honte, tu vois bien que je me repens… Ne me gronde plus, je t’en prie.

andré

Tu as raison, c’est fini ! je n’en parlerai plus. (Plus bas.) Pourtant, Domé, il faudra bien que tu m’avoues un jour ce qui t’a fait fuir notre maison, cette maison où nous avions juré de vivre et de mourir ensemble, cette maison où papa et maman sont morts !… Voyons, que s’est-il passé là ?… Car enfin, nous qui étions si heureux, si bien unis…

dominique

Assez, assez, je t’en supplie… Tes paroles me font mal. Écoute, André, ce que tu désires savoir, un jour tu le sauras, je te le promets ; oui, un jour, je t’ouvrirai mon cœur, je te dirai tout. Mais une autre fois, n’est-ce pas ? Aujourd’hui, cet aveu me coûterait trop. Laissons cela, veux-tu ? Parlons plutôt de toi, de vous, de ton bonheur et du sien ; raconte-moi votre vie, cette belle vie que je veux connaître, et