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nous laisser ainsi pendant quatre ans sans lettres, sans nouvelles, ignorant tout de lui, et ne pouvant lui apprendre rien de nous. » C’est ainsi qu’ils parleront, et toi, tu écouteras en souriant, et ton cœur ne battra pas plus vite au son de cette voix aimée ; et ta main ne frémira pas au toucher de cette main d’enfant, et rien dont tu puisses rougir ne se passera dans ton âme… Si tu fais cela, vois-tu, Dominique, décidément tu seras un homme très fort ! (Tressaillant.) Hein ? on ouvre une porte !… Non ! personne. (Il continue à marcher avec agitation, puis s’arrètant.) Je parle de ma force et le bruit d’une porte me fait peur ! Hh bien !… oui… j’ai peur ! peur de la revoir, peur de l’aimer encore, peur de ne plus pouvoir partir si je l’ai revue une fois… Oh !… non, non, je ne tenterai pas cette épreuve ; je m’en irai, je serai vaillant jusqu’au bout… Il y a parfois du courage à fuir… Quatre ans ne m’ont pas suffi pour étouffer ma passion, huit ans me suffiront peut-être, et si ce n’est pas encore assez de ces huit années, eh bien… Allons, ta place n’est pas ici, va-t’en. (Il fait deux pas vers la porte, puis s’arrête.) Venir de si loin et s’en aller ainsi, sans les voir ! Non, je ne puis pas. (Il s’assied dans le fauteuil.) Je ne puis pas…


Scène III


DOMINIQUE, MASCARAT, ANDRÉ.


La porte du fond s’ouvre, André parait avec Mascarat. Dominique sur le premier plan dans le fauteuil, tourné de profil.

mascarat, au fond.

Tenez, Monsieur, le voilà, toujours dans la même