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actions… il ne faut plus que de belles phrases. » La maréchale soupire en essuyant une larme au creux d’une ride : « L’amour s’en va ! il n’y a plus de dévouement en amour. — L’amour s’en va, ricane à son tour le niestre de camp, il n’y a plus d’héroïsme dans l’amour. » Là-dessus il brandit sa béquille et le grand prévôt l’applaudit. Pour le coup, le marquis n’y tient plus, et, rouge de colère, il se campe au milieu du salon. (Il se lève.) « Holà, dit-il, je suis ici pour le défendre, ce pauvre amour que vous injuriez. Non, non, vous vous trompez ! l’amour est toujours dévoué, toujours héroïque, toujours capable de grandes choses, prêt à donner sa vie en échange d’un sourire, et je me porte garant pour l’amour. » À cette sortie impétueuse, la table de whist répond par un éclat de rire. Le vicomte applaudit, le petit abbé se signe éperdument. Alors de sa voix la plus douce et du fond de son grand fauteuil : « Marquis, dit la comtesse, j’ai grande envie d’un de ces beaux œillets blancs qui fleurissent là-bas, là-bas, dans mon château de Saint-Vaast. »

virginie

Oh !

le marquis

Le marquis partit le soir même, Mademoiselle, et le voici.

virginie

Ainsi c’est pour un caprice de femme que tu joues ta vie en ce moment.

le marquis

Pour un caprice, et j’en suis fier.