« Méfie-toi de celui qui rit avant de parler », murmura le commandant.
Costecalde, sans broncher, et clignant de l’œil au fidèle Tournatoire, commença d’une voix fielleuse :
« Messieurs, l’inqualifiable conduite de notre président, l’incertitude où il nous laisse…
— C’est faux !… Le Président a écrit… »
Bézuquet frémissant se campait devant le bureau ; mais comprenant ce que son attitude avait d’antiréglementaire, il changea de ton et, la main levée selon l’usage, demanda la parole pour une communication pressante.
« Parlez ! Parlez ! »
Costecalde, très jaune, la gorge serrée, lui donna la parole d’un mouvement de tête. Alors, mais alors seulement, Bézuquet commença :
« Tartarin est au pied de la Jungfrau… Il va monter… Il demande la bannière !… »
Un silence coupé du rauque halètement des poitrines, du crépitement du gaz ; puis un hurrah formidable, des bravos, des trépignements, que dominait le gong d’Excourbaniès poussant son cri de guerre : « Ah ! ah ! ah ! fen dè brut ! » auquel la foule anxieuse répondait du dehors.
Costecalde, de plus en plus jaune, agitait désespérément la sonnette présidentielle ; enfin Bézuquet continua, s’épongeant le front, soufflant comme s’il venait de monter cinq étages.
Différemment, cette bannière que leur président réclamait pour la planter sur les cimes vierges, allait-on la ficeler, l’empaqueter par la grande vitesse comme un simple colis ?
« Jamais !… ah ! ah ! ah ! » rugit Excourbaniès.
Ne vaudrait-il pas mieux nommer une délégation, tirer au sort trois membres du bureau ?…
On ne le laissa pas finir. Le temps de dire « zou ! » la proposition de Bézuquet était votée, acclamée, les noms des trois délégués sortis dans l’ordre suivant : 1, Bravida ; 2, Pégoulade ; 3, le pharmacien.
Le 2 protesta. Ce grand voyage lui faisait peur, si faible et mal portant comme il était, péchère, depuis le sinistre de la Méduse.
« Je partirai pour vous, Pégoulade… » gronda Excour-