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III


Une alerte sur le Rigi. – Du sang-froid ! du sang-froid ! – Le cor des Alpes. – Ce que Tartarin trouve à sa glace en se réveillant. – Perplexité. – On demande un guide par le téléphone.


« Quès aco ?… Qui vive ?… » fit le Tarasconnais l’oreille tendue, les yeux écarquillés dans les ténèbres.

Des pas couraient par tout l’hôtel, avec des claquements de portes, des souffles haletants, des cris : « Dépêchez-vous ! » tandis qu’au dehors sonnaient comme des appels de trompe et que de brusques montées de flammes illuminaient vitres et rideaux.

Le feu !…

D’un bond il fut hors du lit, chaussé, vêtu, dégringolant l’escalier où le gaz brûlait encore et que descendait tout un essaim bruissant de misses coiffées à la hâte, serrées dans des châles verts, des fichus de laine rouge, tout ce qui leur était tombé sous la main en se levant.

Tartarin, pour se réconforter lui-même et rassurer ces demoiselles, criait en se précipitant et bousculant tout le monde : « Du sang-froid ! du sang-froid ! » avec une voix de goéland, blanche, éperdue, une de ces voix comme on en a dans les rêves, à donner la chair de poule aux plus braves. Et comprenez-vous ces petites misses qui riaient en le regardant, semblaient le trouver très drôle. On n’a aucune notion du danger, à cet âge !