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tranchant ; les journaux de Chambéry en donnèrent un fac-similé. Enfin, après huit jours de courses, de consciencieuses recherches, quand on eut la conviction que le pauvre présidain était introuvable, perdu sans retour, les délégués désespérés prirent le chemin de Tarascon, ramenant Bompard dont le cerveau ébranlé gardait la trace d’une terrible secousse.

« Ne me parlez pas de ça, répondait-il quand il était question du sinistre, ne m’en parlez jamais ! »

Décidément le Mont-Blanc comptait une victime de plus, et quelle victime !


XIV

épilogue


D’endroit plus impressionnable que Tarascon, il ne s’en est jamais vu sous le soleil d’aucun pays. Parfois, en plein dimanche de fête, toute la ville dehors, les tambourins en rumeur, le Cours grouillant et tumultueux, émaillé de jupes vertes, rouges, de fichus arlésiens, et, sur de grandes affiches multicolores, l’annonce des luttes pour hommes et demi-hommes, des courses de taureaux camarguais, il suffit d’un farceur criant : « Au chien fou !… » ou bien : « Un bœuf échappé !… » et l’on court, on se bouscule, on s’effare, les portes se ferment de tous leurs verrous, les persiennes claquent comme par un orage, et voilà Tarascon désert, muet, sans un chat, sans un bruit, les cigales elles-mêmes blotties et attentives.

C’était l’aspect de ce matin-là qui n’était pourtant ni fête ni dimanche : les boutiques closes, les maisons mortes, places