Page:Daudet - Souvenirs d’un homme de lettres, 1889.djvu/99

Cette page a été validée par deux contributeurs.

regardait les femmes. Devant une cartoucherie de la rue de Charonne, il s’arrêta un moment pour voir des ouvrières qui entraient. L’aspect du grand faubourg, tout ce grouillement de peuple semblait aussi l’étonner beaucoup. Cela se sentait aux regards effarés qu’il jetait de droite et de gauche, comme s’il arrivait en pays inconnu…

Et pourtant, vicomte, ces longues rues qui mènent à Vincennes, vous les aviez parcourues bien souvent par des beaux dimanches de printemps et d’automne, quand vous reveniez des courses, la carte verte au chapeau, le sac de cuir en bandoulière, en faisant « hep ! » du bout du fouet… Mais alors vous étiez si haut perché sur votre phaéton, il y avait autour de vous un tel fouillis de fleurs, de rubans, de boucles, de voiles de gaze, toutes ces roues qui se frôlaient vous enveloppaient d’une poussière si lumineuse, si aristocratique, que vous ne voyiez pas les fenêtres sombres s’ouvrant à votre approche, les intérieurs d’ouvriers où juste à cette heure-là on se